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ARTICLE DANS LE MAGAZINE TCS
Périple européen pour
trois jeunes ours vaudois
Le Zoo de Servion (VD) a fait ses adieux mi-janvier à trois ours bruns
de Syrie âgés de 2 ans. Leur destination: l’Angleterre. Un voyage routier
et maritime de plusieurs heures pour ces futurs reproducteurs. Lumière
sur les spécificités d’un transport où prime le respect dû à l’animal.
TEXTE JÉRÔME LATHION | PHOTOS OLIVIER VOGELSANG
34 touring | mars 2020
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L’ours brun de Syrie est protégé dans le cadre d’un programme initié au Zoo de Servion.
L’anesthésie à distance, première mesure avant de manipuler l’animal destiné au transport.
Derrière la lourde porte de fer, les grognements répétés d’une ourse angoissée. Dans l’enclos en plein air attenant, en cette froide matinée de janvier à Servion, ses trois petits Laïka, Jaïko et Newton – 2 ans d’âge et tout de même plus de 80 kilos à la pesée – sont successivement anesthésiés et portés prudemment dans
un hangar voisin. Là, leur réveil sera accéléré avant leur enfermement dans trois cages de transport garnies de paille fraîche. Car c’est en état de veille que les jeunes ours bruns de Syrie devront entreprendre le voyage, par route et par mer, qui les conduira au Zoo Park de Hamerton (GB). Ils y finiront leur adolescence avant d’intégrer un programme de préservation de l’espèce, initié il y a deux ans précisément à Servion, et en voie de finalisation. «Il existe actuellement un millier de spécimens en captivité, renseigne Pierre Ecoffey, biologiste et responsable animalier du site vaudois. Quant à savoir combien vivent encore à l’état sauvage…» Vétérinaire spécialisée en imagerie et anesthésie, la Dr. Alexandra Durrer, de Vevey, a la haute main sur les étapes médicales de l’opération avant le départ – narcose, pesée, prise de sang, réanimation – et précise: «Tout animal voyage en principe en état d’éveil. Son corps procède ainsi à une meilleure autorégulation et on évite le risque de déshydratation et d’hypothermie.» Sans oublier qu’un animal endormi pourrait vomir et s’étouffer. A l’entendre, le seul ennemi lors du transport est le stress. «Il faut veiller à des cages spacieuses et aveugles, offrant une bonne aération». Les trois cages du jour sont en outre généreusement matelassées pour amortir tout heurt violent pouvant être causé par la nervosité des animaux.
Rares entreprises spécialisées En position d’attente devant leur camionnette et sa remorque, Karl Heuer, responsable du convoi, et son assistant Michael Fröhlich sont prêts à procéder au chargement. Ils travaillent pour la firme allemande mandatée MSO International Zoo Services GmbH. L’une des deux entreprises en Europe, l’autre étant la néerlandaise Ekipa, répondant Alexandra Durrer, vétérinaire mandatée, vérifie l’efficacité de son tir de fléchette sur le corps endormi. Réveil accéléré L’animal doit impérativement retrouver un état de veille avant d’entreprendre le voyage. Mise en place dans la cage de transport Un peu de paille pour protéger l’ours du froid ambiant.
ARTICLE DANS LE JOURNAL DE MOUDON
Journal de Moudon du Jeudi 23 janvier 2020 Jorat 9
RENCONTRE AVEC LES BÊTES Zoo de Servion
Les jeunes ours du zoo partent pour le Royaume-Uni
Le 14 janvier était le jour du grand départ pour Jaïko, Newton et Laïka, les trois jeunes ours du Zoo de Servion. Mis au monde par Martine le 19 janvier 2018, les trois animaux ont bénéficié de l’éducation de leur mère et des soins appropriés de l’équipe du zoo durant deux ans. Aujourd’hui, il est temps pour eux de rejoindre le zoo de Hamerton et de découvrir un autre environnement.
« A l’état naturel aussi, les jeunes ours partent un jour faire leur vie. Pour nous, il s’agissait de trouver un zoo prêt à les accueillir afin d’éviter la co-sanguinité lors de prochains accouplements. Le zoo d’Hamerton a les infrastructures adéquates pour gérer individuellement ou en groupe les trois nouveaux pensionnaires et éviter les conflits éventuels » explique Roland Bulliard, directeur du zoo de Servion.
Un staff bien rodé était sur place en début de matinée pour gérer le transport d’animaux. Le service vétérinaire VETPhalen Sàrl Dr Alexandra Durrer et ses collaborateurs, le transporteur international pour animaux MSO et, pour orchestrer ce départ, Roland Bulliard et le biologiste responsable des animaux du zoo, Pierre Ecoffey et son équipe.
Les trois ours sont endormis l’un après l’autre par le Dr Alexandra Durrer. « C’est un travail d’équipe et de confiance qui demande une bonne organisation et des règles de sécurité strictes. Une fois l’animal endormi, les fonctions vitales sont constamment contrôlées. Les examens d’usage terminés (prise de sang, pesée etc.), l’ours est mis dans son box de transport et maintenu sous contrôle jusqu’au réveil ».
Alexandra Durrer surveille le réveil de Newton, qui se trouve dans son box de transport
Vétérinaire au travail : Alexandra Durrer et son assistant. Elle procède aux analyses et contrôle la jeune femelle avant la pesée
Le staff au complet : Alexandra Durrer (vétérinaire et ses assistants), Roland Bulliard, Pierre Ecoffey et l’équipe du zoo, les deux transporteurs d’animaux (MSO)
Du parc aux ours au local d’examen puis de mise en box de transport, l’équipe du zoo a déployé force et habileté (les deux ours mâles Jaïko et Newton pesant respectivement 130 et 127 kilos et leur sœur Laïka 87 kilos). « Chaque transport est une aventure mais j’avoue que l’expérience m’a appris que parmi tigre, lion, panthère, bouquetin, daim, loup, ours, le sanglier demeure le plus difficile à gérer. C’est un animal massif qui a une peau épaisse, avec un risque élevé d’hypothermie et de forte dangerosité » explique la vétérinaire qui vient de terminer son travail avec les trois ours. « Avec eux tout s’est magnifiquement déroulé et l’équipe du zoo est bien au point. C’est un beau travail d’équipe ».
Les trois animaux installés confortablement dans leur box individuel sont calmes et c’est bientôt l’heure du départ. Le soir, à Calais (France) ils auront au menu pommes, carottes et miel. Le lendemain, ils traverseront la Manche en ferry et arriveront en fin de matinée au zoo de Hamerton. Aux dernières nouvelles les transporteurs ont dû affronter de grandes intempéries en Angleterre mais tout le monde est bien arrivé. Reste aux trois jeunes ours à apprendre la langue de Shakespeare !
Pour Martine, la journée a été éprouvante, elle a cherché ses trois oursons pendant quelques heures avant de prendre un peu de repos. «Le soir même elle mangeait et avait retrouvé son calme. Il faut se rappeler qu’elle avait déjà pris une certaine distance notamment avec la jeune femelle. Dès deux ans, elle peut devenir une rivale pour la mère et la situation devient alors difficile à gérer. La vie d’un zoo c’est aussi ça, savoir gérer les naissances, prévoir les placements futurs dans les meilleures conditions. Au fil du temps, on apprend à se séparer d’animaux auxquels on est attaché, à accueillir de nouveaux venus, à les respecter et toujours prendre en compte leurs besoins et leur bien-être », ajoute Roland Bulliard qui se réjouit de voir l’histoire des ours de Servion se poursuivre avec Martine et Koda, son nouveau compagnon. Ce dernier a dû attendre que les jeunes ours soient élevés et partis avant de rejoindre le parc de sa promise.
[Dany Schaer]
Galerie d’images
sous www.dany-schaer.ch
ARTICLE DANS LE JOURNAL LE TEMPS
Manucure à haut risque pour Cléa, lionne de 22 ans
Aujourd’hui, j’ai participé à ma première consultation pour une lionne au zoo de Servion. Une expérience fascinante que je tenais à vous partager.
Notre patiente du jour se prénomme Cléa. Une magnifique lionne de bientôt 22 ans, née au zoo en 1996 sous le regard du directeur M. Roland Bulliard. Soucieux du bien-être de sa lionne, celui-ci a contacté notre cabinet afin d’examiner son animal. Il semble que Cléa présente une ou plusieurs griffes incarnées, un phénomène fréquent chez les félins âgés. En effet, Cléa présente une longévité exceptionnelle même pour un lion né en captivité.
Une intervention risquée
Notre équipe est composée ce jour de deux vétérinaires : Dr. med. vet. Alexandra Durrer et moi-même, accompagnées de notre assistant vétérinaire M. Anthony Forcina. Arrivés au zoo, nous sommes accueillis par l’équipe de soigneurs en charge du bien-être de Cléa. L’ambiance est plutôt détendue. Ce n’est pas la première fois que l’équipe dirigée par la Dresse Alexandra Durrer intervient ici, Cléa a déjà subit le même type d’intervention en 2016. Une expérience sans encombres, qui nous l’espérons sera reproduite aujourd’hui.
L’intervention du jour peut être qualifiée : « à hauts risques ». Evidemment, nous pensons au risque pris par la vétérinaire qui entrera d’ici quelques minutes dans le box d’un fauve en liberté. Pourtant, Alexandra me confie : « J’espère que l’anesthésie se passera bien ». Nous sommes en effet inquiètes du risque anesthésique encouru par Cléa. Comme pour tout animal âgé nous devons prendre des précautions supplémentaires au cas où un accident survient.
Un animal de 180kg, à jeun…
Je prends les renseignements usuels : Cléa est à jeun, pèse 180kg, et ne manifeste aucun problème autre que les griffes qui nous motivent aujourd’hui.
Alexandra engrange alors une mécanique bien rodée : mesure des doses anesthésiques, préparation des seringues hypodermiques, montage des fléchettes, charge du fusil de télé-injection, vérification du set d’urgence anesthésique et antisédant. Nous sommes prêts.
Alexandra se poste devant la cage du félin, le silence fût.
Cléa ne l’entend pourtant pas de cette oreille. La vielle lionne regarde fixement la vétérinaire munie de son fusil. La mamie agite même quelques gros coups de pattes contre la grille. L’intervention de ce jour nécessitera 4 tirs dans l’épaule et le fessier, agrémentés d’un petit supplément d’anesthésique.
« Clac, Clac, Clac »
Une trentaine de minutes plus tard, Cléa dort d’un sommeil léger. Un supplément en oxygène lui est apporté de notre compresseur jusqu’à sa gueule via un long tube. « Encore deux petites minutes » nous dit Alexandra testant une énième fois le réflexe palpébral à l’aide d’une tige télescopique. Puis, après réflexion, deux réflexes vomitifs, et encore quelques minutes supplémentaires : Cléa semble bien endormie. Il est temps de rentrer dans la cage…
Tout le personnel s’active autour des vétérinaires, Anthony maintient la tête en cas de sursaut de Cléa. Deux soigneurs rentrent dans la cage pour maintenir les pattes de la lionne et assister la vétérinaire. « Clac, Clac, Clac » entend-on. L’immense pince à griffe, à l’échelle de notre patiente, nécessite une certaine force d’activation, mais vient à bout des griffes dures et acérées de la vieille lionne. Plusieurs griffes incarnées ôtées en un éclair, puis un nettoyage et une désinfection des immenses coussinets est effectué. Il nous faut faire vite.
Un réveil en douceur
« Alzane! » nous appelle Alexandra. Je lui tend l’antisédant, cela sonne la fin de cette consultation atypique. Tout le monde sort du box. La lionne est recouverte de paille pour maintenir sa température, et les soigneurs installent un chauffage portatif devant son grand museau.
Nous contrôlons le réveil, tout semble bien se passer. Cléa se réveille doucement, « I believe I can fly » me chuchote Anthony en souriant: cela résume bien la tête de notre lionne au réveil. Celle-ci n’a pourtant que peu perdu de sa superbe. Elle semble également peu reconnaissante de la belle manucure dispensée par Alexandra. Dès que la vielle lionne entend la voix de la vétérinaire, celle-ci se retourne et la grogne d’un air réprobateur. « Aurevoir Cléa, à la prochaine » lui dit Alexandra accompagné d’un petit signe de la main. « Je ne pense pas qu’elle oubliera ta visite» lui soufflais-je… et moi non plus d’ailleurs.
Les griffes des félins doivent être contrôlées
Au quotidien, je vois souvent lors de mes consultations de vieux chats qui n’ont plus la force ni le courage d’entretenir leurs griffes, et qui, comme Cléa, présentent des griffes incarnées.
Celles-ci sont très douloureuses et peuvent s’infecter, jusqu’à provoquer des problèmes plus graves comme un abcès.
En tant que propriétaires, tout comme les soigneurs du zoo de Servion : contrôlez les griffes de votre félin!
En cas de doute, demandez conseil à votre vétérinaire. Comme pour Cléa, il pourra effectuer une coupe de griffes si nécessaire, et normalement sans anesthésie générale cette fois!
Dr Diane Grosjean